ACTUALITÉ
Je suis très sensible aux événements du monde actuel ; il y a tellement de sujets auxquels je me sens dans l’urgence de répondre ; urgence politique d’abord avec la guerre en Ukraine et en Israël, à Gaza ; urgence climatique ensuite avec les séismes au Maroc, les inondations en Libye, ou récemment en Espagne, les instabilités politiques des pays environnants ; tout cela amène des flux migratoires réguliers vers les côtes méditerranéennes, passage obligé vers l’Europe.
MODE OPÉRATOIRE
Je passe du temps à sélectionner des photographies que m’offrent les médias quotidiennement. Idéalement ce sont des images avec des cadrages larges, sans sujets centraux et avec une multitude de détails.
Sur Photoshop, je recadre ou non, retouche et dramatise la lumière puis avec un projecteur, couche par couche, je sélectionne des morceaux d’image, décide laquelle je mets au premier plan, au second et ainsi de suite, renverse, transforme, étire… jusqu’à obtenir le « chaos » voulu.
ORGANISER LE « KHÁOS » DU GREC, CHAOS
Dans la revue théologique de Louvain (1998), Emilio Brito rappelle que Nietzsche, « n’entend pas non plus par Chaos le confus ni le non-ordonné, mais cet élément pulsionnel, affluant, mouvementé dont l’ordre est caché, dont la loi n’est pas immédiatement connue ».
J’éprouve le besoin de retrouver le sujet initial, d’organiser ce chaos, de garder l’instant de la photographie originelle : il est primordial que ma peinture soit un travail de mémoire collective, face à une amnésie collective, comme irradiée par une pluie d’informations médiatiques continuelles, incessantes et surpuissantes.
L’art permet ce temps d’allées et venues entre la destruction et la reconstruction mentale d’une image ; il s’agit d’essayer de réfléchir à l’instant photographique, de le repenser, de le reconstruire comme pour mieux le comprendre.
Gilles Deleuze prévient : « rien n’est plus douloureux, plus angoissant, qu’une pensée qui s’échappe à elle-même, des idées qui fuient, qui disparaissent à peine ébauchées, déjà rongées par l’oubli ou précipitées dans d’autres que nous ne maîtrisons pas davantage. »
Anselm Kiefer, peintre de la mémoire, évoque son inquiétude du temps, explore l’amnésie collective, la culture perdue.
C’est dans cet esprit que je décompose les photographies en les recomposant en peintures faites de traits et de points qui permettent une reconstruction totale. Ce travail, – qui d’une part, requiert un mouvement du spectateur entre recul ou avancée vers une image, et d’autre part, flou optique généré, pareil à l’appareil photographique – va dans le sens de ma recherche : distance du regardeur et reconstitution par l’oeil, d’une image.
Richard Cousin, décembre 2024
instagram : richardcousinart