Sur le travail de Suzanne Dricot :
« La peau est l’enveloppe sensible qui vient à la rencontre des yeux.
Depuis longtemps, le regard de Suzanne Dricot impressionne sa photographie des formes spontanées que les paysages de la Nature exposent. Récemment, ce sont les algues et filaments fleuris au fil de l’eau de la Garonne qui lui ouvrent un nouvel espace. Son chemin écologique ayant renoué avec l’humus primordial de la vie en passant par le compost, elle est sensible à la décomposition. Sans préméditation, Suzanne Dricot donne du temps à la momification des peaux. C’est alors que les aléas du séchage se révèlent à la surprise de son regard : « Où sont mes bananes ? Je ne reconnais plus rien, mais c’est très beau ! ».
Peut-être parce que sa curiosité créative avait été interpellée par les brisures des vitrines cassées, elle entreprend d’assembler ces peaux autour d’un espace ouvert aux dimensions ; celle des horizons et celle des profondeurs. Encouragée par ses découvertes, elle joue avec l’ordinateur sur la nuance des couleurs et les effets de luminosité. Son entourage lui confirme qu’elle possède ʺl’œil intérieurʺ. Alors Suzanne Dricot s’autorise à composer son album « Peau danse ». Nuit métallique, Feu de joie, Bouquet final et bien d’autres viennent occuper l’espace. Cette démarche est pour elle, un véritable apprentissage. « Il m’a fallu apprendre à laisser de la place ; laisser les peaux prendre leur place, s’entremêler, se parler et se répondre. Je ne m’en remets vraiment pas, c’est tellement inattendu ! » Ses peaux viennent à la rencontre de notre regard. Bandelettes et rubans pour quelle momie ? Créatures et paysages pour quel monde astral ?
Les photographies de Suzanne Dricot ouvrent à la perspective, celle qui nous fait sentir que l’enveloppe des peaux n’est pas là pour enfermer. Fragilité en équilibre, on peut en traverser l’espace pour aller de l’autre côté du miroir à la rencontre de l’étrange étranger. Les peaux noires prennent alors la diversité des couleurs argentée, cuivrée, dorée et nacrée qui nous rassemblent.
Bernard Chapuis – Janvier 2023″